lundi 28 novembre 2011

L’Allemagne : exempt de faiblesses ?

Une adjudication en demi-teinte

Le 23 novembre dernier, l’Allemagne n’a levé que 3,644 milliards d'euros de nouvelles obligations à 10 ans alors qu'elle espérait lever 6 milliards. Plus inquiétant, le ratio de couverture, qui mesure l'engouement des investisseurs, n'a atteint que 1,1, contre 1,56 en moyenne. Plusieurs analystes ont jugé l'opération très mauvaise. L'échec de cette adjudication est un signal fort qui montre la vulnérabilité d'un des piliers (noté AAA) de la zone Euro doté d'une économie forte et considéré comme sûr jusqu'à présent.

Ci-dessous, l’évolution du taux d’emprunt à 10 ans de l’Allemagne ces trois dernières années :

 
Source : Bloomberg (unité %)

Depuis quelques semaines ce taux est très bas. Cela s’explique en grande partie par le fait que les investisseurs vendent leurs obligations européennes (Grèce, Portugal, Italie…) et investissent dans le Bund Allemand qu’ils considèrent comme sûr (en tout cas jusqu’à maintenant). 



Solvabilité de l’Allemagne selon les marchés 

Source : Bloomberg. Ce graphique représente la valeur des CDS Allemands (US dollar)
(prime de risque en cas de non remboursement de la dette Allemande)

Si la valeur des CDS Allemand est faible comparé aux autres pays de la zone Euro, la tendance est à la hausse. Les investisseurs font donc de moins en moins confiance sur la capacité de l’Allemagne à se financer et à gérer son implication au sein de la zone Euro.

La mise en place des Eurobonds provoqueront une appreciation des CDS Allemand puisque l'Allemagne sera guarante des obligations de pays peu solvables. Cependant, le spread (l’écart) avec les CDS des autres pays de la zone Euro se resserrera. La création d’Euro-obligation est peut-être la seule solution efficace à court-terme pour rassurer les marchés et relâcher la pression sur la zone Euro. En revanche, cette solution ne diminuera pas le montant des dettes, ne changera pas le modèle économique des pays Européens et n'apportera pas plus de convergence en termes de fiscalités par exemple. 


Quelques chiffres clés :


Ces chiffres de l’Insee en 2008 revêt le fait que la population Allemande est en déclin (considéré en déclin en dessous du seuil 2,1 enfant/femme). La part des personnes ayant moins de 15 ans est faible. De plus la population Allemande est vieille et vieillit, un Allemand sur cinq a plus de 65 ans en 2008. A long-terme l’Allemagne a donc un vrai problème démographique. 

Le coût des retraites et du système de santé vont augmenter sensiblement pour ne prendre que ces deux exemples. Certains postes laissés vacants par les nouveaux retraités ne seront pas remplacer puisque la population jeune n’est pas assez nombreuse pour occuper ces postes.



Le PIB de l’Allemagne repose pour un tiers sur ses exportations. Ces dernières sont surtout concentrées dans l’Union Européenne puisqu’elles représentent 62% des exportations totales. Il est donc clair que l’économie Allemande est étroitement liée à la situation économique des pays de l’UE. Le gouvernement Allemand a donc intérêt à tout mettre en œuvre pour assurer la pérennité de l'Union Européenne.

mardi 22 novembre 2011

L’internationalisation du RMB (人民币)

Pourquoi le gouvernement Chinois soutient l’internationalisation du Yuan ?



La première raison est assez évidente : la Chine a l’ambition de développer davantage son économie et de gagner davantage de légitimité sur la scène internationale donc l’internationalisation de sa monnaie devient inévitable. 

La deuxième raison est que depuis la crise financière de 2008, le gouvernement chinois a décidé de limiter son exposition au dollar US. Si la Chine détient la plus grande réserve de dollar Américain au monde avec 3 200 milliards de dollars, la valeur de cette réserve a fortement baissé. En effet, les Quantitative Easing (achats par la Réserve Fédérale Américaine de bons émis par le Trésor, conséquence davantage de monnaie circule) successifs ont provoqué une forte dépréciation du dollar (lorsque l’injection de monnaie n’est pas plus proportionnelle à la richesse créée d’un pays, alors sa monnaie se déprécie).

Dans la pratique le gouvernement chinois a choisi Hong Kong comme plate-forme offshore pour trader le Yuan et les obligations chinoises. Les investisseurs étrangers pourront acheter ces obligations à hauteur de 20 milliards de Yuan maximum. Fin juin 2011, les dépôts en monnaie chinoise s’élevaient à 554 milliards de Yuan (environ 60,35 milliards d’euro) soit six fois plus qu’un an plus tôt.


Pourquoi le choix d’Hong Kong plutôt que Shanghai ?

Le Hang Seng à Hong Kong comprend quatre subdivisions : 
                    - commerce /industries
                    - finance
                    - services publics
                    - immobilier

Le composite de Shanghai cote uniquement les actions
                   - A-shares (réservé aux chinois) 
                   - B-shares* (les seules actions que peuvent acheter les étrangers) 

*Shanghai Stock Exchange US$ ou Shenzhen Stock Exchange HK$

A noter que le gouvernement chinois met tout en œuvre pour que Shanghai soit une place financière mondiale en 2020.

De plus, choisir Hong Kong permet de redynamiser une zone en perte de vitesse depuis la crise financière. Autre facteur important, la régulation financière est moins stricte à Hong Kong qu’en Chine continentale. 


Paradoxe entre internationalisation et manipulation du Yuan

Afin de rester compétitif pour exporter ses produits manufacturés, la Chine manipule sa monnaie et limite son appréciation. Théoriquement, l’appréciation de la monnaie s’effectue en fonction de la richesse créée (en partie). Si le Yuan s’est apprécie significativement ces dernières années, cette appréciation s’est faite mais dans des proportions moindres.

Les exportations représente une part très importante du PIB chinois. Une monnaie plus forte signifie une diminution des exportations et donc une croissance beaucoup plus faible. En dessous de 8% de croissance par an, le chômage augmente en Chine. Les tensions sociales qui en résulteraient pourraient s’avérer redoutables pour la stabilité du pays.

A côté de cela, il faut tout de même reconnaître qu’il est bénéfique pour les pays occidentaux que le Yuan soit « faible » puisque le modèle économique de nombreux pays occidentaux repose sur la consommation. Or si le Yuan était plus élevé les produits manufacturés le seraient aussi et donc le pouvoir d’achat des ménages serait plus faible.

L’internationalisation provoquera une appréciation du Yuan puisque la monnaie sera de plus en plus utilisée. De plus, étant donné le contexte macroéconomique actuel, beaucoup d’investisseurs vendent les obligations des pays européens voire même des obligations Américaines. Ces derniers achèteront des obligations Chinoises considérées comme moins risquées. 

L’appréciation du Yuan induit par son internationalisation remet donc en question la politique du gouvernement Chinois conduite jusqu’à maintenant à savoir maintenir le Yuan à un faible niveau. Le processus d'internationalisation du Yuan provoquera une perte d'emprise du gouvernement Chinois  sur la monnaie.

lundi 21 novembre 2011

La défiance des marchés : vers une envolée généralisée des taux obligataires en zone Euro ?


Ce graphique met en exergue la défiance des marchés sur les taux d’emprunt de certains pays de la zone Euro (mes propres annotations sont incluses). En effet depuis le 4e trimestre 2010, les taux Italiens et Espagnols progressent à un rythme effréné +75% en 12 mois seulement pour atteindre la barre symbolique des 7% !

Emprunter à de tels taux, c’est entrer dans une zone critique où le remboursement de la dette devient impossible sur le long-terme quand la croissance est proche de zéro voire récessive. Ce qui est le cas de la zone Euro actuellement. Lorsque ce point de rupture est atteint, le cercle vicieux s’enclenche : la dette n’est remboursée qu’avec de la nouvelle dette encore plus chère. Tant que les investisseurs prêtent l’argent la situation s’empire mais le pays peut continuer à se financer. Le jour où les investisseurs ne prêtent plus, le pays fait défaut : c’est le cas Grec. 

A noter que depuis le 4e trimestre 2011 (soit un an après la hausse des taux Italiens et Espagnols), la France est elle aussi attaquée. En quelques semaines seulement, le taux d’emprunt à 10 ans est passé de 2,5% à 3,8% (+52%).

L'Allemagne quant à elle bénéficie de la confiance des investisseurs qui délaissent l’ensemble des pays de la zone Euro pour investir massivement dans ce qui est considéré comme sûr donc le Bund Allemand (en tout cas à court et moyen terme). Si l’Allemagne entre en récession dans les prochains mois (hypothèse possible), sa notation AAA (note maximale) serait alors attaquée et ses taux pourraient suivre l’envolée des taux des autres pays Européens.

Benchmark du spread entre les principaux pays de la zone Euro et le Bund Allemand.


Spread entre la moyenne des taux de la zone Euro et le Bund Allemand.


Le Spread ou l’écart en point de base entre les taux longs moyens de la zone Euro avec le Bund Allemand progresse de manière exponentielle (+375%) depuis le printemps 2010. Cette date correspond à la période où un plan d’aide à la Grèce a été mis en place. Cet écart reflète le fossé de plus en plus marqué au sein de la zone Euro.

Ces graphiques corroborent l’hypothèse qu’aucun pays n’est durablement à l’abri des marchés financiers. Depuis 2010 on assiste à des mises sous pression en cascades des pays de la zone Euro. Si les pays les plus faibles ont d’abord fait l’objet d’attaques, c’est maintenant au tour des pays plus solides comme l’Italie d'être sous le feu des marchés.

Des pays clés comme l’Allemagne, la France et Italie (si l’on considère la part du PIB sur l’ensemble de la zone Euro et le ratio dettes sur PIB de ces pays) sont le cœur de l’union Européenne. La défaillance d’un de ces pays considéré comme pilier, provoquerait la mise en péril l’existence de la zone Euro.

dimanche 20 novembre 2011

La monétisation de la dette par la BCE, la solution?



S’il est vrai que la monétisation de la dette par la BCE permet de relâcher la pression sur les taux d’emprunts des états et donc de réduire leurs coûts de financement, cette monétisation peut aussi mettre en péril la BCE.

D’un point de vue purement comptable :
Les achats de dettes sont peu risqués tant que la solvabilité des pays qui les émettent est assurée. Dès lors qu’elle ne l’est plus, le risque de défaut devient élevé. C’est pourquoi l’achat massif de dettes émises par des pays peu solvable peut être dangereux. En cas d’haircut donc de non remboursement de la dette, les créanciers subissent de lourdes pertes. Selon les chiffres de la BCE (voir le graphique ci-dessous), elle détient environ 187 milliards d’euros de dette considérées comme douteuses alors qu’on face elle détient moins 90 milliards d’euros de capital et réserves. Cela veut dire qu’en cas de non remboursements de 50% de ses obligations, les comptes de la BCE seraient dans le rouge.

 D’après ce graphique il semblerait que les achats de dettes par la BCE n’excèdent pas les 15 à 20 milliards d’euros par intervention.

Personne ne croyait possible la faillite d’un état pourtant le cas Grec démontre le contraire. En effet une décote de 50% de la dette grecque est prévue. Cela représente une perte d’environ 100 milliards d’euros pour les créanciers privés.

Du point de vue comptable monétiser la dette par la BCE c’est donc prendre un risque élevé de  fragiliser la BCE étant donné la solvabilité des pays européens concernés (croissance potentielle faible voire récessive)


D’un point de vue politique :
La pression des marchés obligataires affectent les marchés actions et donc les entreprises. D’autre part, La perte de confiance des investisseurs en Europe est  accrue de manière significative lorsque les politiques divergent et qu’aucunes décisions ou compromis n’est trouvé en temps voulu. Selon les gouvernements, la gravité et l’urgence de la situation nécessite « des moyens inhabituels » même si cela implique un danger. 
De ce point de vue, il est nécessaire de monétiser la dette quelque soit les conséquences. L’objectif est de libérer la pression induit par les marchés et de gagner du temps pour mettre en place des réformes, des mécanismes européens (ex : FESF).


Pour résumer :
ð        Si l’on raisonne à court terme, le programme d’achat de dettes est une bonne chose puisque même s’il ne règle pas les problèmes mais il permet au moins de gagner du temps en diminuant la pression des marchés. Temps précieux que les gouvernements peuvent utiliser pour réformer leur pays ou retrouver le chemin de la croissance. Une analyse de l’évolution des taux Italien et Espagnole des dernières semaines montrent que les taux d’emprunt à 10 ans progressent malgré les interventions de la BCE. Des accalmies peuvent être observées mais de durée relativement courtes.

  Si l’on raisonne sur le long-terme, la monétisation des dettes par la BCE ne règlent en rien les problèmes structurels ou non auxquels les pays de la zone Euro  font face et peuvent mettre en péril la BCE.